Afrique du Sud : Devant le Parlement panafricain, Jacques Djoli vent debout contre les changements anticonstitutionnels de gouvernements en Afrique

Il s’est tenu le 02 novembre dernier à Midrand, en Afrique du Sud, un dialogue parlementaire de haut-niveau sur « la démocratie, les droits de l’homme et la gouvernance ». Le Député national et Professeur de droit constitutionnel congolais, Jacques Djoli Eseng’Ekeli, a pris part à ces assises, en qualité d’enseignant et chercheur, à coté d’autres enseignants et hauts responsables de l’Union Africaine, notamment l’ambassadeur bankole Adeoye, Commissaire aux Affaires politiques, Paix et Sécurité de l’UA, Prof André Mbata Mangu, Prof Adebayo olukushi du Nigeria ainsi que le Prof Charles Fombad, Enseignant de droit constitutionnel comparé de l’Université de Pretoria.

 

Dans son exposé, le Professeur Jacques Professeur Djoli a planché sur « la pertinence et le déploiement du mandat du Parlement Panafricain (PAP) pour la prevention et la lutte contre les changements anticonstitutionnels de gouvernements. »

Dans un premier temps, l’orateur est revenu sur l’écosystème juridique africain de la lutte et de la prévention des changements anticonstitutionnels. Cela en précisant que le concept de changement anticonstitutionnel ne doit pas être limité au coup d’État militaire, qui n’est que la première possibilité. Ce concept comprend en fait six modalités, à savoir :

 

– Le coup d’État contre un gouvernement ;

– L’intervention des mercenaires pour renverser un gouvernement démocratiquement élu ;

– L’intervention des groupes dissidents armés ou mouvements rebelles pour renverser un gouvernement démocratique ;

– Tout refus du gouvernement en place de céder le pouvoir au parti vainqueur des élections ;

– Toute modification ou révision de constitution ou autre texte, qui porte atteinte au principe de l’alternance ;

– Toute modification des lois électorales six mois avant les élections, sans le consensus ou la majorité des acteurs (ajouté par le dernier protocole de Malabo).

 

Dans une approche particulière, le Professeur Jacques Djoli Eseng’Ekeli a présenté l’ecosystème normatif et institutionnel extrêmement dense de l’Union Africaine pour combattre cette délinquance ou criminalité politique. Mais, à l’en croire, cette production juridique est inefficace. Et une des causes de cette insignifiance est l’irrelevance populaire ou démocratique du droit africain, un constitutionnalisme de pacotille. D’où, la résurgence et l’occurence de ces coups d’État.

 

« La question de changement anticonstitutionnel a été abordé depuis l’acte constitutif de l’Union Africaine. Et l’acte central de cette lutte contre les changement anticonstitutionnels des gouvernements, c’est la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, sans oublier le dernier protocole de Malabo, qui institue en crime international le changement anticonstitutionnel. Et il y a toute une Cour pénale africaine qui doit lutter contre ce phénomène.

En fait l’Afrique a érigé la démocratie en divinité mais, malheureusement, cette divinité est ignorée parce que cette architecture juridique est un constitutionnalisme de pacotille », a déploré le constitutionnaliste congolais, qui a également épinglé un autre problème à la base de ce phénomène de changement anticonstitutionnel de gouvernement.

 

« Au cœur de ce changement anticonstitutionnel, il y a toute une série de questions, qui ne sont pas juridiques, qui sont sociologiques, qui sont anthropologiques, qui sont liées à la conception du pouvoir que, et les militaires et les civils, avons en Afrique. Une conception assez particulière.

Mais il n’y pas à se décourager, il y a des pays qui font la fierté de l’Afrique en matière démocratique, comme le Ghana, le Niger, le Nigeria, l’île Maurice. Même si, globalement, le tableau est plus ou moins sombre », a-t-il reconnu.

 

Grosso modo, pour le Professeur Jacques Djoli, « l’Union Africaine reste une structure technocratique incapable, faute de vision et d’ancrage, de protéger

le protocole de Malabo qui érige en crime international susceptible de poursuites devant la Cour pénale, le fait de créer des groupes armés pour combattre un régime démocratique, mais l’Union Africaine parle de dialogue, comme en République Démocratique du Congo où un pays voisin a armé un mouvement dissident pour tenter de reverser un gouvernement démocratiquement établi. Et cela à la barbe du Parlement Panafricain, pouvoir législatif, intentionnellement emmasculé, qui est incapable d’assumer un quelconque rôle dans la lutte contre les changements anticonstitutionnels des gouvernements en Afrique », a-t-il conclu.

 

Jean-Romance MOKOLO