RDC/Kabund à l’opposition : «Un Pétard Mouillé, un disque déjà rayé, embouché sans convaincre» [Tribune de Thierry Monsenepwo]

Il n’y avait pas meilleure manière de mettre en scène son suicide politique, désormais définitif, que d’avoir hâte de se faire passer pour un opposant radical du Président de la République dont il était, il y a peu, le principal adulateur.

 

C’est un Jean-Marc Kabund-a-Kabund isolé, seul au beau milieu de son palace cinq étoile, casquette ‘’munyere’’ de couleur blanche bien vissée sur la tête, le torse bombé dans une chemise blanche maculée d’une cravate bleue, qui a essayé d’attirer vers sa personne l’attention du landerneau politique congolais ce lundi 18 juillet 2022, pendant que les Congolais n’avaient d’yeux et d’ouïe que pour le début de l’épreuve de l’examen d’Etat organisée sur toute l’étendue du territoire national. Alors qu’on le croyait durablement inscrit à l’université du silence du sénateur à vie, Jean-Marc Kabund n’a pas contenu longtemps sa démangeaison verbale.

 

Fidèle à l’incontinence discursive qui lui a valu par le passé un ménage difficile avec le parti présidentiel, Kabund avait pris soin d’annoncer dix jours plus tôt sa conférence de presse dans l’espoir de créer le suspense et de tenir ainsi en haleine l’opinion nationale et internationale.

 

Pétard mouillé

 

Conscient de rejoindre un marigot de l’opposition dominé par des caïmans tels que Martin Fayulu, Adolphe Muzito, Moïse Katumbi, Joseph Kabila ou Ramazani Shadari, Jean-Marc Kabund a choisi de se positionner dans la radicalité et l’excès afin de devenir audible. Pour convaincre sur sa mue, rien de mieux que de dévoiler quelques secrets d’alcôves en guise de repentir : « je suis déçu de vous annoncer que le régime Tshisekedi a décidé de mettre en péril la périodicité, la sincérité et la transparence des élections en préparant le glissement ainsi qu’en orchestrant une fraude massive aux prochaines élections … Le peuple est en face d’un régime irresponsable composé des jouisseurs ». Un disque déjà rayé, embouché sans convaincre par ceux qui sont censés décerner à Kabund un certificat d’opposant.

 

Comment croire celui qui était l’avant-veille le porte-étendard zélé de l’Union sacrée de la nation au nom de laquelle il promettait au Chef de l’Etat une majorité davantage confortable d’au moins 400 députés aux futures législatives ? Est-ce la même personne qui parle ? L’originaire de Lwiza qui s’était fait passer pour un katangais pour bénéficier des faveurs de feu Docteur Etienne Tshisekedi Wa Mulumba aurait-il subi une métempsychose subite depuis qu’il s’est fait hara kiri en multipliant des frasques, allant jusqu’à faire désarmer sur la voie publique un militaire de la garde présidentielle ?

 

Des attaques ad hominem pour se martyriser.

 

Dans son propos contreproductif truffé de contre-vérité, tout porte à croire que Jean-Marc Kabund était à la recherche d’un incident pour faire sortir le pouvoir de sa retenue et s’attirer des foudres dans le but de gagner ses galons de nouvel opposant, en devenant un martyr souffre-douleur. Dans cette optique, il s’est efforcé de placer les mots plus hauts les uns que les autres en instrumentalisant à fond l’invective. Plusieurs noms d’oiseaux ont fusé en direction d’un pouvoir dont il aura été l’un des principaux acteurs. Selon Kabund, depuis sa disgrâce qui ne date même pas de plus d’un semestre, ses compagnons de route seraient devenus, comme par enchantement, des minables jouisseurs, des irresponsables, des incompétents, des traîtres, etc. « Même les caricaturistes les plus satiriques connaissent les vertus de la modération et savent mettre de l’eau dans leur vin », s’est insurgé un ancien membre de ‘’Décision finale’’, cette secte politique que Kabund avait mis à jour quant in assumait l’intérim du Président de l’UDPS. Excessif à souhait, Jean-Marc Kabund ne s’est pas contenté de n’être qu’un distributeur automatique d’anathèmes.

 

En vue de mieux pousser la justice à l’accuser d’offense au Chef de l’Etat pour le remettre par le fait même au cœur du jeu politique, celui à qui le Président Félix Tshisekedi avait légué gracieusement ses prérogatives lui conférées par le Congrès de l’UDPS ne s’est pas privé de porter des coups en dessous de la ceinture à l’Autorité suprême. La reconnaissance n’étant pas de ce monde, l’ancien pensionnaire de Kamina fait Roi dans la Capitale grâce à l’entregent du Président Félix Tshisekedi ne s’est pas embarrassé des fleurets mouchetés pour qualifier un Président de la République au front de « jouisseur sans vision qu’il faut chasser du pouvoir en 2023 ». Pince sans rire, Kabund croit pouvoir convaincre en persiflant à tout va. « Malgré la situation sociale difficile, le Président de la République se la coule douce chaque week-end », a-t-il osé affirmer, comme s’il avait fait ‘’copain copain’’ avec un Chef de l’Etat en exercice qui aurait pris soin de l’inviter à de soirées arrosées en weekend. La vérité est que diriger un pays où tout est prioritaire et relever plusieurs défis comme ceux de briser l’isolement diplomatique, d’implémenter la gratuité de l’enseignement de base, de construire des infrastructures innovantes, de lutter contre la corruption et le coulage des recettes, de lutter contre l’impunité ou d’organiser l’état de siège, n’est pas une sinécure. Comment celui qui occupe tout son temps à obtenir des résultats probants sur le terrain peut-il être suspecté de dilettantisme et se faire des soucis sur sa réélection d’ores et déjà assurée ?

 

La Fin tragique d’un météore presse

 

L’histoire de JM Kabund était trop belle pour être en mesure de résister à l’usure du temps. De Kamina où il militait au sein de la Fédération de l’UDPS du Katanga, jamais Kabund ne pouvait, y compris dans ses rêves les plus fous, escompter le destin qui a été le sien.

 

Ayant réussi à dissimuler ses origines kasaïennes pour assurer son aura dans le microcosme katangais, il a ainsi abusé de la confiance du Leader Maximo de l’UDPS qui le catapulta aux plus hautes fonctions de Secrétaire Général du parti, au plus fort de la lutte acharnée contre le régime Kabila agonisant. Tombé comme un cheveu dans la soupe dans une ville de Kinshasa qu’il ne connaissait guère, Kabund fut pris sous l’aile de l’alors Secrétaire National de l’UDPS chargé des relations extérieures, Félix Tshisekedi Tshilombo, qui lui mit les pieds à l’étrier. Devenu Président de l’UDPS à la faveur d’une élection transparente organisée par le deuxième congrès de l’UDPS, le Président Félix Tshisekedi maintient Kabund au poste de Secrétaire Général avant de lui laisser la haute direction du parti lorsque la magistrature suprême avait enfin souri au candidat présenté par le parti de feu Etienne Tshisekedi, au terme de 37 longues années d’opposition.

 

Usant et abusant de la confiance du nouveau Président de la République, Jean-Marc Kabund, au lieu de prêcher par l’exemplarité, ne faisait parler de lui qu’à travers un florilège de scandales verbaux qui lui ont valu la perte de confiance de ses homologues parlementaires. Alors que sa déchéance du bureau Mabunda était irréversible, il mena en bateau le Conseil d’Etat pour empêcher la tenue des activités parlementaires au siège réputé inviolable du Parlement. Des bousculades qui s’en suivirent, un député national succomba des suites des blessures subies dans la cohue. Perçu comme un mal pour un bien face à la nécessité de faire basculer la majorité parlementaire au profit du Président en exercice, Jean-Marc Kabund fut extrait de sa première disgrâce pour parachever le processus de la mise en place de la nouvelle majorité présidentielle conçue par le Président Tshisekedi qui la baptisa ‘’Union Sacrée de la Nation’’.

 

Requinqué par cette nouvelle onction présidentielle, Kabund récupéra son poste de premier Vice-président de l’Assemblée nationale à l’issue d’un scrutin remporté haut la main par le ticket présenté par le Président Tshisekedi. Au lieu d’apprendre de ses erreurs, Kabund a par contre excellé dans la confusion des genres. Membre éminent du pouvoir législatif, il ne dédaignait pas particulièrement la fonction de policier de circulation routière, au point d’être surnommé le ‘’dégonfleur de pneus’’. Tout automobiliste indélicat qui croisait Kabund sur la chaussée voyait les pneus de son véhicule crevés par les agents de police commis à la garde du 1er vice-président de l’Assemblée nationale. Incroyable !

 

La goutte d’eau qui fit déverser le vase du maître-nageur ne fut autre que la scène filmée du désarmement d’un militaire d’élite de la garde présidentielle par les policiers commis à la garde rapprochée de Kabund. Devenue virale sur les réseaux sociaux, cette vidéo suscita l’ire des kinois qui multiplièrent des manifestations publiques contre Kabund.

 

C’est sur ces entrefaites que l’homme annonça sa démission du bureau de l’Assemblée Nationale sur son compte twitter certifié, avant de se rebiffer et de tourner une nouvelle fois en bourrique les institutions de la République. Sous la pression de la base de l’UDPS qui l’avait totalement honni, la hiérarchie du parti présidentiel n’avait plus d’autre choix que de le déposer. Plutôt que de faire amande honorable, revoici Kabund entrain de cracher sur la main qui l’avait nourri. Avec un tel parcours en dents de scie, il est impossible de se maintenir sur une scène politique aussi exigeante que celle du pays de Lumumba. Sans se faire évincer, Jean-Marc Kabund, qui aurait pu espérer une carrière politique prometteuse, a choisi lui-même de se suicider sous les collimateurs des médias, en se tirant une balle dans la tête à l’occasion d’un point de presse aux allures d’une convulsion.

[Tribune de Thierry Monsenepwo]